mardi 31 août 2010

Tuesday self portrait (dix mille sandwichs jambon-moutarde)

"Le fait que nous soyons entourés de millions d'autres humains reste quelque chose de peu évocateur et ne peut nous détourner d'une perspective égocentrique habituelle, jusqu'à ce que nous posions les yeux sur un empilement de dix mille sandwichs jambon-moutarde, identiquement enveloppés dans des feuilles de plastique, fabriqués dans une usine de Hull avec le même pain de mie blanc immaculé, et destinés à être mangés dans les deux prochains jours par un extraordinaire assortiment de nos concitoyens, pour lesquels ces sandwichs nous incitent soudain à faire de la place dans nos imaginations centrées sur nous-mêmes."
Alain de Botton. Splendeurs et misères du travail

lundi 30 août 2010

Rouge

La femme qui la fait tomber ne bouge pas. 
Un homme, deux tables plus loin, ramasse la canette vide qui a roulé jusque là. 
La boîte rouge, clinquante, survoltée, posée sur son plateau, donne soudain de lui une toute autre image que la tasse de thé qu'il vient de finir de boire, paisiblement. 
"Nous savourâmes un délicieux Pétrus. La Comtesse adorait sa robe rubis. Son goût, me confia-t-elle, se mariait bien avec le crépuscule. Chaque vin, d'ailleurs, devait être choisi pour l'heure à laquelle il était consommé. Le champagne se buvait le matin, si possible à jeun. Comment, renchérit-elle, ne pas apparier les bulles de ces crus si spirituels à la journée qui commence ? Sortir de chez soi, de très bonne heure, suivre, sur les trottoirs déserts, la direction qui mène chez le pâtissier... Acheter des croissants et les consommer accompagnés d'une coupe de Dom Pérignon."
Robert Alexis. La véranda

dimanche 29 août 2010

rentrée

Trois semaines privée d'elle
et je retrouve Bruxelles 
aux cieux changeants
Bruxelles belle
et capricieuse et butée enfant

Trois semaines sans elle
c'était être hors de moi

samedi 28 août 2010

A peine quelques autres hommes (de ma vie)

C'était irrémédiable et il aurait été plus sage de l'admettre mais, pendant tout un temps, malgré tout, je me suis obstinée à inventer ce grand frère dont mes parents ne m'avaient pas dotée. 

Celui-là, que j'avais désigné sans le consulter -ni lui ni personne- n'avait aucune caractéristique physique commune avec nous mais il était plus âgé que la plus aînée de mes soeurs, ce qui rendait cohérente à mes yeux notre fratrie fictive. 
Nous discutions à l'issue de nos parcours, sur les terrains de course d'orientation et à l'égard de la revêche adolescente que j'étais, il manifestait sans doute davantage de patience que n'en aurait montré un frère véritable. 
Par la suite, ni la vie ni les courses d'orientation ne nous firent nous croiser à nouveau. Et je me satisfis presque d'être la dernière née d'une brève série de filles. 
Jusqu'au jour où j'emménageai dans sa ville. Et, même, à trois cents mètres de chez lui, si j'en croyais une sonnette aperçue par hasard, rue Lamartine, qui portait son nom. 

Un soir, j'allai m'en assurer. 

Mais ce n'était pas lui.
Je pourrais citer Olivier, aussi,
qui signait "ton grand frère"
et resta toujours 
un mystère. 
(Mais dans les vraies familles,
ça arrive également 
d'être étonné par les gens.)

Et puis il y a cet homme-là.
Cet homme dont j'ai refusé d'être l'âme soeur
car je ne voulais pas qu'il soit mon frère, lui. 
Cet homme-là qui me dit 
que la nuit
il rêve qu'il écrit
de la poésie.

vendredi 27 août 2010

(être) physionomiste

C'était toujours dans la foule des jours denses -pas aux heures creuses- que cela se produisait : 
soudain, une silhouette. 
Ou bien au café, au milieu des solitudes urbaines : 
tout à coup, un profil. 
Je n'aurais pas pu dire ce qui, de ces corps souvent graciles, de ces visages aux pommettes hautes, éveillait le souvenir d'un de ceux qui avaient croisé ma vie, de l'autre côté de la terre, dans un temps plus ou moins proche. 
Mais cela arrivait, oui : 
que ces personnes si étrangères m'en rappellent d'autres, anciennement familières.
Et parfois j'y passais la journée avec autant de persévérance et d'agacement que si j'avais tenté de déloger un aliment 
coincé entre deux de mes dents, 
j'y passais la journée à chercher de quelle strate de mon passé ce fantôme avait surgi et quel était son nom et même,
 pourquoi son souvenir m'avait suivi. 

Et puis, 
ici. 

Sur le trottoir d'en face, remarquer son visage, sans que son regard s'attarde sur le mien. 
Quelques secondes suffisent : 
quand le feu passe au vert, je me souviens de 
tout. 

Le premier jour de juin, 
il y a juste sept ans,
nous avions décerné

jeudi 26 août 2010

Une enquête sentimentale

Tenez-vous vos promesses ?
Prenez-vous des photos uniquement quand vous êtes en vacances ?
Vous sentez-vous parfois seul ?
De quoi vous accommoderiez-vous le moins mal :
perdre la vue
ou l'ouïe ?
A-t-on déjà fait votre portrait ?
Pensez-vous que trop de monde se mêle de votre vie ?
Préférez-vous vous taire ou parler ?
Vous changez-vous quand vous rentrez chez vous ?
Vous levez-vous dès le réveil
ou
restez-vous au lit ?
Etes-vous d'un naturel jaloux ?
Vous fait-on souvent dire ce que vous n'avez pas dit ?
Y a-t-il des personnes qui comptent sur vous ?



mercredi 25 août 2010

Précis de topographie 25


La topographie est l'art de la mesure puis de la représentation sur un plan ou une carte des formes et détails visibles sur le terrain, qu'ils soient naturels (notamment le relief) ou artificiels (comme les bâtiments, les routes, etc.). Son objectif est de déterminer la position et l'altitude de n'importe quel point situé dans une zone donnée, qu'elle soit de la taille d'un continent, d'un pays, d'un champ ou d'un corps de rue.
La topographie s'appuie sur la géodésie qui s'occupe de la détermination mathématique de la forme de la Terre (forme et dimensions de la Terre, coordonnées géographiques des points, altitudes, déviations de la verticale...). La topographie s'intéresse aux mêmes quantités, mais à une plus grande échelle, et elle rentre dans des détails de plus en plus fins pour établir des plans et cartes à différentes échelles.


Ils portent les mêmes sandales au cuir nonchalant avec lesquelles, il y a encore trois jours, ils longeaient les dunes. Et leur chemise blanche contraste avec leur peau bronzée.
En cette matinée un peu molle, un peu douce, ils changent la photo de leur écran d'ordinateur, ils écoutent distraitement le récit des vacances des autres en continuant à penser aux leurs.
Ils trient leur courrier, rangent ce que la hâte du départ leur avait fait négliger : au fond de la tasse blanche, du liquide oublié -thé fleuri ou café ?- il ne reste que des traces foncées.
Ils se réhabituent à cette grande baie vitrée derrière laquelle, chaque jour, ils travaillent sans me regarder passer.

Les architectes de la rue de Dublin sont rentrés ce matin.

mardi 24 août 2010

Tuesday self portrait (une erreur de jugement)


Il me dit "j'ai rouvert mon carnet". 
Se relire, c'est mesurer la droiture de la trajectoire tracée. 

Rouvrir ses livres aussi, c'est se regarder. 
Se dire que, peut-être, on s'est hâté de juger. 
On s'est trompé.

"-On fait quoi pour ce putain de petit-déjeuner point.
Bien sa voix cassée et douce à la fois en anglais. Avec les sourires toutes les trois sur le canapé, un ou deux oeufs à la coque ça faisait longtemps. Gdynia café ou thé dans l'appartement, tartines beurrées et viande, pour l'homme son coeur. Souffle sur le thé brûlant chaleur débardeurs, le salon puis la chambre. Par la fenêtre des jeux pour enfants puis la route puis la forêt montent dans la colline dans le ciel blanc, ciel laisse un peu de neige au sol."
Marie-Céline Siffert. Monsieur en extase sur la couverture.

lundi 23 août 2010

La vie des jours

Même au terme d'une saison vécue en l'absence de calendriers, même à l'issue de quelques nuits sans sommeil qui faussent la chronologie,
on est sur un quai et on le sait.

Même les yeux fermés, l'ouïe nonchalante, même les sens en vacances,
on est sur un quai et on le sait.

On est sur un quai et on le sait :
c'est dimanche.


dimanche 22 août 2010

Loin de lundi


L'herbe
Le soleil
Le pique-nique
La coccinelle
Les baisers

Le bonheur est infiniment banal

samedi 21 août 2010

vendredi 20 août 2010

La chambre des officiers


"J'étais aux Etats Unis. 
J'étais dans la rue, avec ma famille. 
Il régnait un climat malsain de violence.
On avait peur. 
La police passait dans la rue pour nous prévenir d'un grand danger, d'un grand risque. 
Et, juste derrière les policiers, des femmes voilées et des garçons d'une dizaine d'années arrivaient en lançant des cocktails molotov partout autour d'eux. 
C'était horrible. "

A la table voisine, la jeune fille blonde a achevé son récit en disant que, si elle avait fait ce rêve, c'était sans doute parce que, la veille, elle avait vu l'épisode d'une série dans lequel il se passait à peu près la même chose.
Moi qui ne regarde jamais la télévision, je ne sais jamais, en franchissant le seuil grenat de ma chambre, ce que mes rêves restitueront de ma journée.
(et l'autre nuit, 
sans doute parce que j'avais parlé d'un capitaine, 
un haut gradé a fait irruption dans mon sommeil)

jeudi 19 août 2010

Une enquête sentimentale et dînatoire

Au restaurant, prêtez-vous attention aux autres tables ?
Aimez-vous la cuisine pimentée ?
Suivez-vous une recette à la lettre
ou
vous autorisez-vous des variations ?
Répondez-vous au téléphone à table ?
Etes-vous prêts à manger un plat que vous détestez par politesse ?
Sa façon de se tenir à table
influence-t-elle l'opinion
que vous avez d'une personne ?
Appréciez-vous de manger en marchant ?
Avez-vous toujours l'impression que c'est meilleur
dans l'assiette de votre voisin ?
Avez-vous déjà mangé un sandwich SNCF ?
Buvez-vous alors que vous avez encore des aliments en bouche ?
Soufflez-vous sur le contenu de votre fourchette
afin de le refroidir ?


mercredi 18 août 2010

Précis de topographie 24


La topographie est l'art de la mesure puis de la représentation sur un plan ou une carte des formes et détails visibles sur le terrain, qu'ils soient naturels (notamment le relief) ou artificiels (comme les bâtiments, les routes, etc.). Son objectif est de déterminer la position et l'altitude de n'importe quel point situé dans une zone donnée, qu'elle soit de la taille d'un continent, d'un pays, d'un champ ou d'un corps de rue.
La topographie s'appuie sur la géodésie qui s'occupe de la détermination mathématique de la forme de la Terre (forme et dimensions de la Terre, coordonnées géographiques des points, altitudes, déviations de la verticale...). La topographie s'intéresse aux mêmes quantités, mais à une plus grande échelle, et elle rentre dans des détails de plus en plus fins pour établir des plans et cartes à différentes échelles.
C'était un hasard le jour où, issu de ma playlist "2,5km", Lou Reed a chanté Some kind of nature deux fois rue de la Concorde, m'a fait allonger mes foulées à l'aller et chantonner dans la descente du retour.
Ce n'est -en revanche- plus une coïncidence que je passe par là tous les mardis à 21 heures : j'y ramasse les bananes jugées trop mûres abandonnées à l'heure de la fermeture qui constituent mes petits déjeuners de la semaine.

mardi 17 août 2010

Tuesday self portrait (un temps libre)


"Le travail est dur, mais ceux avec qui je travaille sont durs à la peine. Tous ont un autre boulot et beaucoup enchaînent directement les deux, cinq ou six jours par semaine. Ça fait une semaine de soixante-quatorze heures sans heures supplémentaires payées, debout tout le temps. Ils ne se plaignent jamais. Le refrain habituel est : "On s'y fait."
J'ai déjà travaillé soixante-quatorze heures par semaine, parfois pendant des mois, mais je ne dirais jamais que je m'y suis fait. Mon corps luttait sans cesse pour se reposer. Mais quand on veut son appartement, ou sa voiture avec l'assurance, ou le câble payant, c'est devenu une nécessité. Quel est l'emploi qui à lui seul peut apporter à un individu un mode de vie confortable ? Et quand ces types ont payé pour toutes les choses qu'ils veulent, ils n'ont jamais le temps d'en profiter parce qu'ils sont toujours soit dans un restaurant soit dans un autre en train de jeter des hamburgers sur un grill. 
Je préfère conserver mon temps libre et m'en tirer tout juste."
Iain Levison. Tribulations d'un précaire

lundi 16 août 2010

"Lundi, je suis allée bouffer le couscous avec des copains"

Au fur et à mesure que les belles poubelles font entrer chez moi du papier :
des lettres, des photos, des livres
j'en jette tout autant :
des lettres, des photos, des livres 
qui ont appartenu à ma vie mais ne me concernent plus.
Si je me souviens sans beaucoup de peine des visages de ceux qui ont signé ces courriers, je reconnais moins facilement celle à qui ils ont écrit. 
J'avais quatorze ans et j'attendais que la vie fasse ses preuves, qu'elle me donne envie. 
L'année scolaire précédente, passée dans une classe de rugbymen, m'avait habituée à être seule. A ne pas rire des blagues des autres. A ne pas voir les mêmes films. A lire alors qu'ils ne lisaient pas. 
Claudy, elle,  partageait depuis plusieurs années déjà le lit de son copain. Le lit mais aussi les bières et les joints. Elle ne parlait pas d'arrêter de fumer. Elle fréquentait les concerts. Elle riait plus souvent que moi. Elle préférait la compagnie de la vie à celle des livres. 
Nous nous parlions rarement. J'entendais ses anecdotes qui ne s'adressaient pas à moi. Elle était, à mes yeux, un objet de curiosité. A côté d'elle, je me sentais encore plus transparente, ignorante, terne et sans joie. 
Elle n'était pas seulement légère et c'est cela qui m'intimidait : ses accès de cafard noir la mettaient plus bas que terre, lui faisaient mordre la poussière. Et ses raisons d'aller mal  me paraissaient autrement plus valables que celles qui grisaient uniformément ma vie. 
J'ai tout jeté, de cette année-là. Mais cette lettre, je la garde. Comme une énigme que je ne saurai jamais résoudre.
"Salut Euridice !

En effet, le Père Noël m'a fait un beau cadeau en m'envoyant ta carte (géniale en plus), tu vois pour Noël, j'ai écrit à Béné, Olivia et plein d'autres copines et aucune ne m'a répondu... Moi aussi je vais être franche, j'avais l'intention de t'écrire parce que ce jeudi de sortie m'avait laissé une bonne impression de toi mais (excuse-moi de la répétition) tu m'impressionnes et c'est peut-être pour ça que je suis agressive vis à vis de toi et que je t'évite... Bref, je n'ai pas osé t'écrire.
Pour moi, les vacances se passent bien; de toutes manières du moment que je suis en vacances tout baigne dans l'huile.
Vendredi, je suis allée voir "Gremlins", à mon avis c'est le navet de l'année, samedi les fiançailles de la soeur de mon mec (j'me suis pris une cuite du tonnerre); dimanche j'ai passé la soirée chez mon mec; lundi je suis allée bouffer le couscous avec des copains; mardi à Paris avec mon cousin.
Dans mon programme, aucune place pour le boulot...
J'espère que pour toi ça va et la rentrée dans qqs jours ayeayeaye !!!
Claudy"

dimanche 15 août 2010

En douce

En ces temps de déviation, de circulation sonore et excessive, où l'acoustique de la linière rappelle davantage celui d'un champ de mine que celui d'un champ de lin, le long silence opaque et délicieux est peut-être ce qui m'a maintenue éveillée pendant les heures les plus noires ordinairement vouées au sommeil. 

Et 
puis
soudain
il y a eu
le 
son 
d'une 
averse
compact
et 
régulier
ramassé
et 
cessant
tout 
aussi 
brusquement
qu'il 
avait 
occupé
le 
champ
libre.

Dans le calme revenu, j'ai pensé avoir rêvé, même si j'étais toujours aussi éveillée. 
Ou avoir assisté à la répétition générale d'une partition minimaliste et monotone, interprétée à la perfection par des machinistes et des musiciens que, auditrice clandestine, j'ai jugés totalement accordés.

Et c'est une impression qui ne se dément pas,
maintenant qu'a lieu la représentation. 

samedi 14 août 2010

Someone


"Je lis une petite annonce qui dit : "Licence de lettres requise". Ce sont des mots qu'on ne voit jamais associés, jamais. Autant imaginer lire "Casier judiciaire chargé exigé" ou "Double amputation requise". De quoi se demander ce qui ne tourne pas rond chez ceux qui ont passé l'offre d'emploi. L'annonce décrit ensuite quelqu'un qui me ressemble beaucoup. "Colonel à la retraite cherche collaborateur à plein temps pour sa nouvelle entreprise de marketing. Doit avoir le goût des contacts. Licence de lettre requise. Ancien militaire de préférence." 
(...)
Il n'y a pas de colonel. Pas d'expérience militaire ni de diplômes supérieurs requis. Mais si vous vous adressez à des diplômés en littérature, vous touchez un vaste secteur démographique : des gens frustrés et crédules qui ont prouvé qu'ils prennent de mauvaises décisions. L'industrie aux milliards de dollars qui ne produit rien, autrement dit l'enseignement supérieur, nous a eus, donc on peut nous avoir de nouveau."
Iain Levison. Tribulations d'un précaire.

vendredi 13 août 2010

Ma vie transsibérienne

"Nous avons besoin d'un ciel clandestin 
et d'une causalité féérique 
qui échappent aux obligations prosaïques du jour"
Jankélévitch
J'ai choisi la monotonie en guise de motif de papier peint de mes journées d'été.

Les mêmes lieux
Les mêmes heures
Les mêmes visages
Les sourires aussi

Je regarde passer le temps dans le rectangle de mon appareil photo comme s'il s'agissait de celui de la fenêtre d'un train.
Ce train long et lent qu'ont pris certains écrivains et qui relie Moscou à Vladivostok.
Le café à emporter sans lait sans sucre s'il vous plait laisse à ma bouche un goût aussi sombre et vénéneux que le thé noir du samovar, au bout du couloir.
Autour de moi, les langues sont étrangères, le temps immobile. Ou bien moi. 
Et si je ferme les yeux, je peux me croire en voyage.
Ma vie est transsibérienne et, si je la laisse faire, elle ne s'arrête dans aucune gare.

jeudi 12 août 2010

Une enquête sentimentale


Vous relevez-vous facilement d'un échec ?
Si vous ne l'êtes pas, auriez-vous aimé être enfant unique ?
Fréquentez-vous volontiers les cimetières ?
Goûtez-vous régulièrement les aliments que vous n'aimez pas 
pour vous assurer que c'est toujours le cas ?
Portez-vous une montre ?
Repassez-vous vos draps ?
Aimez-vous aller chez le dentiste ?
Avez-vous une carte de bibliothèque ? 
Cédez-vous la dernière part d'un plat que vous aimez 
au profit d'un enfant ?
Dites-vous "chez moi" lorsque vous parlez de 
chez vos parents ?
Qu'est-ce qui vous contrarie le plus : 
transporter toute la journée un parapluie sans qu'il pleuve 
ou 
vous faire surprendre par une averse 
alors que vous ne l'avez pas pris ?

mercredi 11 août 2010

Précis de topographie 23


La topographie est l'art de la mesure puis de la représentation sur un plan ou une carte des formes et détails visibles sur le terrain, qu'ils soient naturels (notamment le relief) ou artificiels (comme les bâtiments, les routes, etc.). Son objectif est de déterminer la position et l'altitude de n'importe quel point situé dans une zone donnée, qu'elle soit de la taille d'un continent, d'un pays, d'un champ ou d'un corps de rue.
La topographie s'appuie sur la géodésie qui s'occupe de la détermination mathématique de la forme de la Terre (forme et dimensions de la Terre, coordonnées géographiques des points, altitudes, déviations de la verticale...). La topographie s'intéresse aux mêmes quantités, mais à une plus grande échelle, et elle rentre dans des détails de plus en plus fins pour établir des plans et cartes à différentes échelles.

Il n'y a plus guère que sur l'avenue Stalingrad, devant les agences dédiées aux voyages orientaux ou les terrasses masculines des salons de thé que j'ai encore une chance qu'on m'appelle mademoiselle.

boulevard de Waterloo, 
il y a la foule dense,
 les cris de terreur, 
les tirs à la carabine,
les odeurs de friture, 
de sucre

Dans le square vers la linière, les femmes, elles, se tiennent serrées et immobiles sur un même banc. Toutes voilées à l'identique et âgées de même, elles ne me regardent ni ne m'appellent quand je passe devant elles.

mardi 10 août 2010

Tuesday self portrait (au bois)


"Mais est-ce moi ? Est-ce moi-même ? Regardez-moi, mon Prince, prenez-moi dans vos bras, et dites-moi que c'est bien moi que vous aimez, et non pas... Je ne sais comme vous le dire... Celle que vous aimez, est-ce moi, ou est-ce la princesse que d'aventure vous avez rencontrée par fortune, parce que vous étiez perdu dans votre chasse ? Mon Prince, si quelque autre princesse se fût trouvée emmi le lit, dedans ce vieux château ruiné où vous étiez entré, et qu'elle fût brune, et qu'elle fût d'un autre caractère que je ne suis, ne l'eussiez-vous pas aimée autant que vous dites le faire de moi ? Ah, mon cher Prince, je tremble que ce ne soit moi que vous aimiez, mais que ce soit seulement la princesse que vous avez éveillée..."
Philippe Beaussant. La belle au bois.

lundi 9 août 2010

Un baiser de cinéma

C'est le parfum du thé qui accueille, mieux encore que le sourire des vendeurs qui le boivent.
-C'est une infusion, en fait. Avec des plantes de mon pays : du Maroc. Et de la menthe, bien sûr.

-Les frères Poivre d'Arvor, je suppose que tu t'en passes assez facilement ?!
Ils sont deux, têtes blanches penchées sur les livres et se parlent d'un rayon à l'autre.

Son implantation, très basse, rend son front petit. Devant les étagères de poches, elle le fronce.
-C'est dur de choisir, quand même !

-Papy ! Papy !
Il a trois ans, les cheveux aussi dorés que sa peau. Il court vers un homme qui, sans cette apostrophe sonore, ne ferait pas son âge.


En me hissant sur la pointe de mes pieds, j'ai saisi un volume, sur l'étagère tout en haut. Un autre est venu avec,cet  autre auquel je ne m'attendais pas,  est venu me frapper, au coin de la bouche.

dimanche 8 août 2010

"Car c'était pour elle un sentiment si nouveau"

Je surveillais l'infusion de mon earl grey pendant que je l'écoutais parler.

J'essaie parfois de me souvenir de ça, quand je connais les gens depuis plus longtemps : me souvenir de ce qu'ils m'ont dit d'eux, pour commencer.

Mais, les jambes repliées, les pieds posés sur le bord de ma chaise et les genoux serrés dans mes bras, j'étais, en même temps, tournée vers la table voisine où, depuis que j'avais aperçu le titre sur la tranche de son livre et constaté qu'il en lisait les dernières pages, en version originale,  j'observais mon voisin de terrasse. Je l'avais lu, ce livre. Je savais comme on se sent seul, si seul, tout le long et à la fin plus encore. Abandonné.

Ce n'est pas souvent qu'on les voit, ceux qui appartiennent à la communauté -à notre communauté- des lecteurs d'un livre qu'on a lu. 

Il referma le livre, le posa sur un journal espagnol, finit son verre de vin, salua joyeusement un copain de passage, trempa ses lèvres dans le verre de son amie avant de la distraire de sa lecture en la chatouillant. 

Alors, je pus tranquillement retourner à ma conversation, à mon thé.

Hier, achever la lecture d'un autre livre. 
Juste sous la dernière phrase était collée une barrette antivol.



"Et quand, à certaines heures ensoleillées, il levait son visage, l'offrait à la chaleur, il n'était pas rare qu'un demi-jour tombât soudain inexplicable, et alors il parlait à la fille et doucement lui racontait ce qu'il advenait de lui, il lui rendait grâce, un oiseau disparaissait au loin."
Marie N'Diaye. Trois femmes puissantes.

samedi 7 août 2010

J'ai bien reçu ta carte

Il est à parier que même nous, qui l'avons fort bien connu, on oubliera prochainement le temps où fumer dans les cafés était bien plus courant que d'y ouvrir son ordinateur pour écrire son courrier. 
Il faut s'y faire : les jeunes âmes dont les mains sont plus habiles sur un clavier que munies d'un stylo plume nous regarderont avec la patience mêlée de commisération réservée aux personnes âgées lorsque nous évoquerons cette époque. 
Dans ce siècle immatériel, donner à voir son écriture devient plus impudique que laisser ouvert un bouton supplémentaire à son décolleté. Pourtant, les cartes postales continuent de voyager, survivances de l'intime dans l'anonymat du centre de tri automatisé. 
Louvain, 2 novembre 57

Bien cher André,

ton silence m'inquiétait. Je t'attends mardi prochain donc, avec amitié, délice et orgue.
Affectueusement,
Tante Rose


vendredi 6 août 2010

Tout ce que j'aimais

les cuberdons, la tarte au curry, le fromage blanc, les gaufres, le lapin, la soupe de châtaignes au chorizo, l'irish stew, les croquants aux amandes, les shortbreads, les pitas, la pizza, le poulet, le fromage, la tatin à l'aubergine et à aux tomates séchées, les frites, les madeleines, les cramiques, la langue de boeuf, le steak tartare, le jambon, la tarte aux fraises, le christmas cake, la souris d'agneau, les spéculoos, le cheese cake, le foie, le chili con carne, la confiture, les scones, les légumes farcis, la tatin de quetsches à la canelle, les rillettes de thon, le gâteau à la rhubarbe, la soupe au concombre, le cake de la Reine,  le ragoût de mouton, la galette des rois, l'osso bucco, la tarte aux pommes, le boudin blanc aux pommes, le lemon curd, le hachis parmentier, le cake au citron et au pavot, le boeuf braisé à la Guinness, les biscuits aux flocons d'avoine, le pain perdu, le riz au lait, la carbonade flamande, ...


Dans la bibliothèque de la cuisine, 
beaucoup de livres de recettes 
sont devenus obsolètes.
Menus du dimanche
AOUT

Déjeuners
Artichauts rémoulade
Brochet sauce câpres
Pommes sautées
Chicorée frisée
Fromages 
Mille-feuilles 
----------
Crabes à la mayonnaise
Sauté d'agneau forestière
Fromage Gruyère
Glace et gaufrette

Dîners
Potage à l'oseille
Vol-au-vent
Petits pois à l'Anglaise
Fromage Roquefort
Brioche mousseline au sabayon
----------
Soupe Garbure
Noix de veau à la gelée
Salade de légumes mayonnaise
Coeurs à la crème

Savarin. La vraie cuisine française simple et anecdotique. 

jeudi 5 août 2010

Une enquête sentimentale


Avez-vous souvent une chanson en tête ? 
Savez-vous facilement anticiper un itinéraire pour vous rendre quelque part ?
Qu'attendez-vous d'un miroir ?
Y a-t-il une oeuvre d'art dont vous ne vous lasserez jamais ?
Pour quel motif avez-vous pleuré pour la dernière fois ?
Dans quel endroit du monde aimeriez-vous vous éveiller 
demain matin ?
Jouez-vous d'un instrument de musique ?
Connaissez-vous votre poids ?
Si vous aimez recevoir du courrier, pourquoi n'en écrivez-vous pas
 plus souvent ?
Quand avez-vous su ce que vous vouliez faire dans la vie ?
Depuis combien de temps habitez-vous au même endroit ?
Préférez-vous une variété d'arbres aux autres ?
Avez-vous déjà vécu un tremblement de terre ?

mercredi 4 août 2010

Précis de topographie 22

La topographie est l'art de la mesure puis de la représentation sur un plan ou une carte des formes et détails visibles sur le terrain, qu'ils soient naturels (notamment le relief) ou artificiels (comme les bâtiments, les routes, etc.). Son objectif est de déterminer la position et l'altitude de n'importe quel point situé dans une zone donnée, qu'elle soit de la taille d'un continent, d'un pays, d'un champ ou d'un corps de rue.
La topographie s'appuie sur la géodésie qui s'occupe de la détermination mathématique de la forme de la Terre (forme et dimensions de la Terre, coordonnées géographiques des points, altitudes, déviations de la verticale...). La topographie s'intéresse aux mêmes quantités, mais à une plus grande échelle, et elle rentre dans des détails de plus en plus fins pour établir des plans et cartes à différentes échelles.

Les rideaux tirés modifient mes trajets, je zigzague dans la ville au gré des congés d'été. 

Aux terrasses des cafés, les juilletistes croisent leurs jambes dorées et sourient aux pâles aoûtiens qui ne partiront que demain.

Abonnée à la campagne belge tous les étés et indifférente à la géographie, ce n'est que tardivement que j'ai compris que, lorsque mes jeunes amies rentraient bronzées de la côte, elles n'avaient, pour autant, pas quitté leur pays. 


mardi 3 août 2010

Tuesday self portrait (un inventaire)

un foulard
un pull
des stylos
un gsm
un tube de rouge à lèvres
un carnet à spirale
deux appareils photo
un livre
un carnet à couverture en cuir
une bouteille d'eau
un iPod
des cartes de visite
un trousseau de clefs
(...)

Sur mon épaule, toujours, le poids de mon sac 
 (photos Aurélie Haberey)

lundi 2 août 2010

La vie rêvée

Quand le sommeil laisse des traces
on m'a dit vous irez désormais en face
le réveil peut être un soulagement
en face était, pour moi, un châtiment
et la jachère d'une journée à inventer
mais qu'avais-je donc à expier
ou la douceur des draps tout simplement
pour travailler dans un jardin d'enfants
rendent précieuse la réalité. 

Aux premiers battements de cils, aux premiers instants flous, on peut tout imaginer, on peut rêver sa vie. 
Une vie de nuage, 
une vie de pont ou d'autoroute. 

Une  vie de pinceau
un jour 
de calligraphie.

dimanche 1 août 2010

page 161. ADJECTIFS INDÉFINIS

c) Termes techniques. 
Donner le terme scientifique dont le sens est traduit par l'expression vulgaire donnée. 

1. Mot vieilli 
   Dispute de mots     
   Malentendu    
   Répétition inutile     
   Sons discordants     
   Origine des mots     
   Dictionnaire     
   Nom supposé      
   Moitié d'un vers     
   Science du beau     
   Passion des vers     
   Faute contre la grammaire 
2. Erreur de date
     Science de dates
    Amateur de livres
    Science des livres
    Superfluité de mots
   Opposition de mots
   Passion des livres
   Construction vicieuse
   Science de la phrase
   Recueil de poésies
   Notions préliminaires
   Recueil de morceaux choisis

J.B Compère & J. Balleux. Syntaxe à l'usage des Ecoles Moyennes et des Ecoles Normales.


Il y a eu le chat caché dans un trou de souris.
Et le souvenir d'un sandwich au boudin blanc 
-je disais sans oignons, s'il vous plait.
Il y a eu la colle, les photos déchirées, les pages d'une grammaire. 
Et des articles de journaux jaunis 
-du temps où on buvait la bière au goulot.
Il y a eu des fruits. 
Il y a eu ce moment où la demie-heure passée au lavoir le matin a paru aussi lointaine qu'un jour ancien. 
Du café, du chocolat. 
Des projets, des (je) v(o)eux. 
Il y a eu la radio et la mélodie du glacier, les voisins venus nettoyer l'appartement qu'ils ont quitté 
-et ils buvaient de la bière au goulot. 
Il y a le soir, les bougies allumées, le jour qui rétrécit, l'eau d'un dernier thé, le courrier à poster. 
C'est un dimanche en désordre et sans souci de symétrie.